Fatigue

Quatrième semaine - p.1

Depuis que j'ai dépassé la mi-parcours, le temps me paraît s'étirer en longueur. Peut-être parce que j'ai trop envie d'en être quitte, mais aussi peut-être parce que la fatigue s'installe et ne me permet plus autant de distractions bénéfiques qu'au début. Mes collègues de salle d'attente éprouvent le même sentiment de découragement.
Ce lundi, je me suis sentie transpercée par les rayons. Je veux dire, par la douleur, car, depuis le début, les rayons me transpercent. J'ai eu mal mais aussi très peur, bien sûr. Je me suis sentie comme poignardée à plusieurs reprises au niveau de ma cicatrice et des ganglions du milieu de la poitrine, juste devant le cœur… J'ai fait signe avec mon autre bras pour appeler les infirmières, sans résultat. Mais je me rendais compte que j'avais encore l'énergie d'appeler, ce qui a eu l'effet de me rassurer : je n'étais donc pas à l'article de la mort. Et je me suis calmée en me disant que ces rayons ne duraient que deux minutes, et que, donc, très vraisemblablement, je n'en avais plus que pour une minute d'attente, maximum. Je fus donc bien contente d'entendre la machine émettre cet espèce de soupir qui signifie qu'elle se met à l'arrêt et le "bip-bip" qui accompagne l'ouverture du sas de sécurité.
Mes douleurs n'ont pas effrayé les infirmières qui m'ont dit que certaines personnes ressentaient ces douleurs, d'autres pas. Si elles persistent encore à la maison, elles me conseillent de prendre du Dafalgan. Ce que j'ai fait hier, mardi… sans résultat. Demain, comme tous les jeudis, je verrai ma radiothérapeute. Nous en reparlerons. Je l'ai croisée ce matin, mais dans la mesure où ces douleurs ne sont pas persistantes, ni franchement insupportables, je n'ai pas voulu abuser inutilement de son temps. Elle consulte en effet dans deux hôpitaux universitaires et d'autres patients ont peut-être plus besoin de son temps que moi aujourd'hui.
Ma fatigue est également préoccupante. Mes forces diminuent depuis la première semaine. J'arrive à me reposer mais je dois être vigilante par rapport à mes activités. Comme les personnes âgées, je ne dois pas prévoir plus d'une activité par jour. Aujourd'hui, j'ai dû annuler mon repas avec un ami parce que je m'étais mise en tête de faire un peu de nettoyage dans la matinée, dont je n'avais pas perçu toute l'ampleur avant de m'y mettre, et je me suis trouvée à bout de force, avec des chandelles devant les yeux, au moment de partir pour le rejoindre. J'ai juste pris le temps de le prévenir et vite retrouvé mon lit !
Pourtant je sens que mon énergie de base revient : je commence à pouvoir demander aux gens de métiers de venir faire les travaux d'entretien que la maison nécessite. Travaux qui attendent depuis août, l'an passé, que je lève le petit doigt ! Dieu a fait le monde en six jours puis se reposa. Comme je peux bien me déculpabiliser de savoir que même Lui se reposa !
Progressivement, aussi, je retrouve mes odeurs corporelles, et j'en suis tout à mon aise. Mais ce sentiment est encore fluctuant. Et je ressens beaucoup d'inquiétude quand je les perds à nouveau, que mes vêtements ou mes urines sentent de nouveau la chimio, car cela provoque en moi un sentiment de dégoût pour moi-même.
Certains jours, j'ai aussi ce goût métallique qui me revient dans la bouche. Les copines de radiothérapie disent que cela transforme le goût des fruits, du chocolat, et se plaignent que ce phénomène soit toujours persistant. Nous avons aussi la bouche extrêmement sèche. Pour moi, actuellement ça va, ça vient.