Fatigue

Plus que trois jours… - p.1

Jeudi, vendredi et lundi, en remplacement du Lundi de Pâques.
Et encore une triste nouvelle. Aujourd'hui, dans cette fameuse salle d'attente, une "nouvelle", cheveux ras, jolie, jeune et sympa qui me dit, au bout de peu de temps, qu'elle me connaît, qu'elle reconnaît ma voix : nous avons habité le même quartier, enfants, été à la même école, dans les mêmes mouvements de jeunesse, nos parents se fréquentaient régulièrement. Trente ans et plus, que nous ne nous étions pas revues, et voilà qu'elle arrive dans notre jeu de quilles, trois jours avant la fin de ma radiothérapie… J'ai si mal à moi, si mal aux autres, et si mal à "tournez-manège".
Petra me disait qu'elle essayait de ne pas trop penser à moi, pour pouvoir se préserver. Je comprends de mieux en mieux ce qu'elle a voulu dire : nécessité absolue de trouver une porte de sortie à ce cercle vicieux, à l'angoisse, à la tristesse, à "tournez-manège". Pour ne pas tourner maboule et reprendre le dessus avec les gens de la vie normale. La vie normale… Et pas la vie "comme avant", ce qui inclut un "après", une différence, une blessure, la maladie et ses suites. J'ai tellement envie de me retrouver entre gens sains, oublier l'hôpital, les malades, les soins, l'angoisse, la tristesse, la lutte pour la vie.
D'une de mes amies et ancienne collègue, que j'ai pourtant décommandée systématiquement jusqu'à postposer sine die, j'ai déjà reçu un message me félicitant pour la fin de mes traitements. Elle avait compté (elle s'occupe des chiffres dans la société !) cinq semaines à commencer du jeudi. Elle n'a pas été mise à jour quand j'ai pu profiter de mes quatre jours de sursis. Son coup de téléphone m'a fait le plus grand plaisir. Et je m'attends à ce que lundi le téléphone sonne autant, et peut-être même plus, que le jour de mon anniversaire. J'en suis tout émue d'avance. Une nouvelle vie commence, dont j'ignore tout.

Tout heureuse dans ma tête d'être à trois jours de la fin, et toute fripée, à l'étroit dans mon corps. Aujourd'hui, les infirmières m'ont encouragée à mettre de l'huile d'amande douce parce que la peau rougit de plus en plus. Mais il semblerait que j'aie bien tenu le coup. Demain, encore un passage dans chaque service, puis les deux jours suivants dans le service où elles sont si gentilles. Mais les machines me brûlent plus, là ! Et lundi, dernier rendez-vous avec le médecin, avant six56 mois.
J'ai été rendre visite à la petite dame qui a ses cheveux plus longs que les nôtres et qui faisait partie de notre groupe de salle d'attente. Il paraît qu'elle a plus de quatre-vingts ans. Une petite vieille adorable, comme il en existe encore. Malheureusement, elle ne peut plus continuer sa radiothérapie : elle a été hospitalisée et doit reprendre sa chimio. Nous irons lui rendre visite à tour de rôle… Mais elle a tellement maigri et elle a si mauvaise mine. Son plus gros souci, c'est qu'avec cette nouvelle chimio, elle perde ses nouveaux cheveux, une fois de plus. Mais, nous, nous craignons pour sa vie. Leslie lui lavera les cheveux et les lui arrangera.