Fatigue

Fin de la première semaine de "liberté". - p.1

Je devrais pouvoir sortir de la parenthèse aussitôt que mes brûlures seront guéries. Prendre des vacances, du bon temps, m'amuser. Ce n'est pas la première fois que vous lisez ces mots. C'est mon idée fixe.
J'aurais voulu aller danser demain à la Fête de l'Iris… mais j'ai trop mal pour risquer de me faire cogner, de transpirer, de faire de grands mouvements. Je n'irai pas danser demain. J'irai danser à la fête de la Saint Glinglin ! Quand les poules auront des dents. Quand j'aurai des cheveux. Quand, comme Samson, j'aurai récupéré mes forces.

Pour encourager Leslie, qui doit prolonger sa cure de radiothérapie, je lui ai téléphoné. C'est ainsi que nous avons parlé brûlures et pommades, mais je lui ai aussi raconté comment j'avais réagi le dernier jour. Elle m'a rassurée, en quelque sorte, en me disant que c'était normal, qu'elle avait été avertie par son médecin traitant et une amie que le dernier jour et la semaine qui suit, vous vous sentez désemparée et qu'arriver à s'habituer à la liberté retrouvée ne se passe pas sans difficulté émotionelle58. Moi, je n'en avais pas été avertie et je me suis donc inquiétée, à juste titre : vous avez traversé le pire, vous devriez être toute contente, et vous ne tarissez plus de pleurs !
Elle me dit que ce serait sympa d'organiser une petite cérémonie, même minime, à l'hôpital, lors d'un départ. Cela me paraît difficilement réalisable. D'abord, qu'est-ce-qu'un "départ" ? Car il y a les "faux départs", comme celui de la petite dame âgée… Ensuite, les infirmières sont saturées par le rendement demandé aux machines ; je les vois difficilement ajouter des festivités à leur programme ! En plus, ce n'est pas le rôle de l'hôpital, me semble-t-il. Et d'ailleurs, je crois que ce n'est pas de quitter l'hôpital qui pose problème, mais de réintégrer la vie normale… Moi, je bénéficie encore de mes aides familiales. Elles me permettront de faire le pont entre la maladie et la reprise progressive de mes activités "normales". En effet, c'est finalement l'une d'entre elles qui m'a offert la bouteille de mousseux pour "fêter ça". Nous l'avons bue ensemble, avec mes fils, une semaine après la fin de la radiothérapie. J'ai aussi levé le coude, chez l'un ou chez l'autre, pour marquer le coup, dans les semaines qui ont suivi… mais quelques gouttes seulement : l'alcool comme le soleil ne me réussissent plus du tout.
Leslie n'a pas fait appel à de l'aide. Elle va donc se retrouver seule chez elle, à devoir faire face à cette période de transition avec ses propres ressources. Nous nous sommes déjà promis de nous revoir dès qu'elle s'en sentira capable, après qu'elle se soit reposée un peu. J'espère que cela se passera bien pour elle.