Clap !

Que j'aurais aimé pouvoir dire "Clap ! ", comme dans un scénario, avant que l’histoire à raconter ne commence. Ou avoir le loisir, comme dans un roman, de laisser vivre les personnages hors du temps réel, tout au plus au rythme du travail de l'auteur, où la narration commence en haut de la page vierge et se retouche à loisir.
Mais qui aurait envie d'écrire "Clap ! – début de mon cancer du sein", surtout s'il s'agit d'une autobiographie ? J’aurais, bien sûr, préféré, même au risque d’écrire un roman à l’eau de rose, "Clap ! Début d’une belle histoire d’amour. Celle que j’attends…"

Pourtant je suivrai la première proposition et vous êtes embarqués avec moi dans la pire aventure qui me soit arrivée.
Ma vie a passé, heureuse et moins heureuse. Les périodes de soleil et de fêtes ont été imprimées sur papier Kodak et se feuillettent encore par albums entiers les soirs de tendresse. J’avais déjà "pris la plume " pour raconter mon divorce avec son enchevêtrement de séquelles sur les enfants, son cortège de rapports d’avocats et de tribunaux, bref "mes malheurs"… mais je n'ai pas voulu publier ce genre de feuilleton familial, malheureusement devenu banal, et trop souvent écoeurant. L'amour n'est-il pas justement symbolisé par un cœur ?

Aujourd’hui, me voilà donc avec le cancer, dont je ne savais rien la veille et qui trancha dans ma vie d’un coup sec. J'imagine mal que j’aurais pu écrire un scénario aussi brutal ("tout condamné à mort aura la tête tranchée3"), mais malheureusement la vie EST brutale.
Me voilà donc vers le 20 août, premier jour de mes règles, avec un sein en colère, rouge, dur, douloureux. TRES fâché. Fâché de quoi, je vous le demande. Je suis "encore4" jeune, j’ai allaité durant près d’un an chacun de mes deux enfants, je n’ai aucun antécédant, je ne fume pas et ne bois pas. J’ai tous les atouts statistiques pour ne jamais faire de cancer ! J’en ai conscience et je m’en réjouis depuis toujours. Faire partie de la meilleure tranche dans ce genre de statistiques, ça se fête, non ? En plus, je pête la forme, je suis robuste et dynamique. Je suis seulement un peu fatiguée, ces derniers temps, et je ne supporte pas bien les grandes vagues de chaleur de cet été, ce qui ne me ressemble pas. Sinon, je ne me plains de rien, car quelle femme n’a pas de bonnes raisons d’être fatiguée à notre époque où elle cumule boulot, famille et vie personnelle ?

Le 20 août, cette année, tombait un dimanche. Et une question me vint à l’esprit en voyant ce sein en colère : "faut-il aller à la garde de l’hôpital ?" D’habitude, j’applique la devise : "y penser, c’est le faire ", ce qui m’évite beaucoup d’hésitations et me trouve souvent au plus près de moi-même pour les décisions. Mais là, comme je viens de le dire, il faisait chaud, j’allais avoir mes règles… j’étais paresseuse, fatiguée et seule. Je n’avais sans doute pas envie de savoir ce qui s’imposait déjà comme une évidence. J’ai donc remis la décision au lendemain, avec pour motif de pouvoir évaluer l’évolution. Vous penserez sans doute que je me suis donnée une chance d’espérer que ce n’était pas "ça " et vous avez certainement raison : le lundi, je ne suis pas allée à l’hôpital, mais au travail, après avoir constaté à mon réveil que mes menstruations étaient toujours aussi régulières et mon sein assagi. Mais je sentais "des boules " que la colère de la veille avaient laissées. Je remis encore au lendemain de téléphoner à la gynéco, le temps de voir la progression de ce phénomène. Je n'étais pas pressée d’avoir le nez collé sur l’évidence.