Clap !

Parmi nous, la plus jeune fait un peu bande à part, accompagnée de son fiancé. J’ai mal à sa jeunesse. Heureusement, elle sortira vite de la clinique : elle n’a qu’un kyste bénin.
J’étais la plus mal en point : je resterai la semaine complète et, malheureusement, je devrai revenir la semaine d’après pour une mastectomie totale avec ablation des ganglions. Cette indication était déjà prévue depuis le début, mais un soupçon de métastase sur le foie dévia la trajectoire du bistouri à la dernière minute. Je serai donc opérée deux fois coup sur coup, le temps d'écarter cette terrible hypothèse.

Je ne vous cache pas que cette saloperie de tache sur mon foie m’emm…
Une première fois parce qu’elle me fait peur. Cette fois, j’ai vraiment peur ! Et je resterai dans l’incertitude durant une longue semaine et le reste.
Une autre fois, parce que sa présence m’oblige à passer toutes sortes d’examens complémentaires dont certains sont franchement désagréables. Et qu'elle m’oblige aussi, comme je l'ai dit, à subir deux interventions coup sur coup sous anesthésie générale, ce qui n'est pas rien.
Elle me pèse aussi parce que tout devient incertitude dans mon vécu concret à l’hôpital : incertitude des examens à subir, incertitude des heures d’examens. Elle m’impose de longues attentes à jeun, qu’une place de consultation se fasse à l’impromptu, entre deux patients. Or, j’ai toujours eu horreur d’attendre : ça me rend folle ! En plus j’ai horreur des examens, des injections, des martellements sonores des appareils. Je me sens terriblement agressée par ces rendez-vous sans horaires, par ces longues attentes, par ces inquiétudes. Encore une fois, moi, je ne me sens pas malade ; ce sont les machines qui parlent pour moi. Et dans la mesure où les médecins investiguent et que les machines voient des trucs que je ne ressens pas, je commence, en plus, à paniquer de ne plus être maître de mon corps, de mes impressions.
Les examens pour cette tache sur le foie sont de plus en plus effrayants. Le dernier, pour dire, n’a pas été pratiqué, parce que le médecin qui devait officier estima que le risque de l’intervention était supérieur au risque relatif à la tache elle-même6… Tu parles d’une affaire !
Je fus soulagée d'apprendre que tous les spécialistes consultés (une huitaine !) optaient pour un adénome (bénin) plutôt que pour une métastase et qu’il s’agirait seulement de surveiller son évolution tous les trois mois. Une inquiétude sourde encore dans mon esprit par rapport à ce délai de trois mois en trois mois. Je préfèrerais me savoir vraiment complètement guérie dès à présent, évidemment. D’autant que, maintenant que j'ai eu un cancer, je me méfie un peu de ce que me réserve l’avenir !

J’avais aussi très mal au bras, je l’ai déjà dit. Crescendo depuis deux ou trois ans. Le bras gauche. Comme je ne savais pas ce que j’avais (douleurs diffuses, difficilement exprimables en termes de mouvement ou de solidité osseuse, mais invalidantes car je tenais mon bras replié comme Napoléon pour atténuer ma douleur), j’avais consulté ma cardiologue et ma gynécologue qui m’avaient toutes les deux rassurées que ce n'était ni le cœur, ni le cancer. Elles m'ont affirmé toutes les deux que cette maladie n’est pas douloureuse et nous avions écarté ces diagnostics par les dépistages ad hoc. Panique, donc, quand je me rendis compte que ce bras lancinant était du même côté que le sein et que, depuis ma biopsie, des douleurs irradiaient dans toute cette partie gauche de mon corps. Du coup, j’étais furieuse et je croyais l'avoir laissé progresser impunément depuis deux ou trois ans. J’étais surtout furieuse d'avoir accrédité la thèse qu'il n’est pas douloureux, parce que tant que je souffrais, je me disais que ce n’était pas inquiétant ! Car, effectivement, la plupart des cancers sont indolores… mais, bien sûr, devant un doute, mieux vaut se faire examiner. Voilà ce qui le rend si effrayant, justement. Il agit sans faire mal, incognito, de façon insidieuse, jusqu'à ce qu'on mette le doigt dessus, parfois trop tard... Voilà aussi pourquoi il vaut mieux agir vite quand on s'aperçoit d'une anomalie. Faire un bilan sans délai permet de dédramatiser ce qui mérite de l'être et de prendre en considération l'évolution du problème si nécessaire (simple(s) kyste(s), métastases… ? ).
Donc, sur le coup, et parce que j’avais tellement mal, j'ai pensé que je perdrais le bras en même temps que le sein.