Clap !

Fort heureusement pour moi, je ne suis pas trop couarde et, comme ces boules restaient, je résistai à l'envie de mettre ma tête dans le sable. J’insistai donc pour avoir un rendez-vous RAPIDE chez mon gyné : le premier proposé était reporté à la fin janvier (on était fin août) ! J’ai pris les devant : une de ses assistantes ferait l’affaire pourvu que je sache rapidement… Je verrais ensuite.
J’ai une amie qui tient à se faire soigner par « Le » professeur parce qu’elle a la trouille que la tache qu’elle a grandissante dans son dos ne soit un cancer. Son premier rendez-vous est donc reporté aux calendes grecques. Je crains pour elle. Si j’avais été aussi accrochée à mon médecin (très renommée mais surchargée), j’aurais été perdue, vu que j’avais un cancer invasif très rapide. Le diagnostic du cancer est et reste une urgence médicale.

Où placer ce "Clap " de la première planche du scénario ? Le 20 août ?
Le 6 septembre, quand j’ai appris la nouvelle de la bouche de ce médecin ? Rendez-vous chez la sénologue5, mammographie, échographie, re-mammographie, re-visite à la sénologue, biopsie sous échographie, re-visite en privé dans la salle de consultation de la sénologue et, moment crucial du diagnostic, le moment du verdict au patient : moi !
Malgré mon malheur immense, je dois avouer être heureuse, à postériori, d'être tombée sur une personne d'une pareille qualité d'écoute. Car je suppose que ce doit être une rude épreuve pour le médecin également d'annoncer un cancer à sa patiente.
Le scénario met donc en scène une patiente effondrée mais très digne, moi, et son médecin. Le poids du temps doit exprimer toute la tristesse et l'angoisse de la malade, et tout l'accueil de cette souffrance de la part du médecin.
La sénologue prend son calme, me regarde intensément et me dit :
- Il semble bien que ce soit un cancer (pause pour me permettre de réagir). Vous ne réagissez pas ? (pause pour me permettre de répondre). Vous vous y attendiez ?
- Ben, oui, je m’y attendais ! (In petto : j’avais déjà ma petite idée au départ et quand j’ai vu vos têtes et le nombre d’examens que j’ai passé coup sur coup, j’ai bien pensé que ce n’était pas un examen de routine ! )
- Qu'en pensez-vous ?
- Que je ne sais pas comment je vais annoncer une aussi mauvaise nouvelle aux gens que j’aime !
(J'étais à ce point effondrée que seule la tristesse de mes proches m'importait)
- Vous pouvez aller voir d’autres médecins si vous voulez (pause pour me permettre de répondre). Prendre le temps d’y réfléchir (idem). Moi, je peux vous proposer un rendez-vous opératoire la semaine prochaine, où il me reste une place (re-idem).
Pour moi, ça ne se réfléchit pas : agir et au plus vite. J’ai confiance : elle m’écoute, elle ne m’a pas fait mal en pratiquant sa biopsie et elle a pris toutes les précautions utiles sur le plan des actes et des paroles : elle mérite ma confiance pour la suite des opérations. Et je ne croyais pas si bien dire, puisqu’elle me fera deux opérations.
Temps de prise de décision : zéro secondes. Nous avons bouclé l’agenda. Mais ces zéro secondes ont duré toute l'éternité de la mort, comme l'entretien ou le temps des examens successifs…
L'éternité de la mort, mais je vis toujours.
Heureusement, j’ai une confiance totale dans l’équipe médicale et soignante. Comme vous avez pu en juger, mon médecin (l’assistante de mon gyné hyper-renommée) est une femme extraordinaire. Elle écoute avec les yeux et vous laisse respirer vos émotions. Elle ne vous noie pas sous les explications mais garde le silence pour que sa parole vous pénètre et que vous puissiez réagir. Elle ne joue pas avec la vérité mais l’expose clairement, avec les précautions utiles, sans ménagements mensongers.
Je peux m’appuyer sur ses compétences humaines, médicales et techniques. Je la sens sûre d’elle et de moi, et de l’équipe qui la supporte dans ses décisions et durant l’opération.
De mon côté, je me sens, moi aussi, sûre d’elle et de moi, et de toute l’affection que me portent ma famille, mes amis, mes collègues de travail. Il m’arrive de penser à la mort, mais en riant ; à la vie, mais avec tristesse ou colère.