Palme d’or !

Je tiens la palme d’or au jeu du merdier de la vie. Il paraît que je passe les épreuves avec brio et que j’ai beaucoup de chance de m’en tirer si bien. Disent les médecins, les kinés, et autres gens du métier.
Mais je me serais bien passée de détenir pareil record. Un merdier reste un merdier... et y passer huit mois sans pince-nez reste une gageure à laquelle je ne me suis inscrite que sous menace de vie ou de mort !
Car, outre la maladie en elle-même, toutes ces thérapies et autres reconstructions ont leurs effets secondaires et désagréments sérieux, voire dangereux. Un océan de dangers et d’obstacles à contourner, à franchir.
Heureusement, j’ai toujours bien pris soin de mon bateau et il n’avait aucune avarie avant de se lancer dans cette tempête. Heureusement aussi, j’ai de bons équipiers : les médecins, kinés…

Se retrouver en pleine tempête dans une mer de récifs, ça fout les jetons. Et même si j’arrive au port en fin de parcours, entretemps, je m'esquinte à la carte, à la barre, aux voiles et partout, pour tenir le cap et arriver au port, justement. Et je dois sans cesse rester vigilante, avoir assez de ressources pour assurer et me faire seconder en cas de doute ou d’angoisse, psychothérapeute, kiné, aides-familiales…
Et les amis... comme des bouées, des phares ou d’autres bateaux qui font douloureusement la même route que moi. Parfois les phares éclairent de loin : celles qui s’en sont sorties voilà quelques années ou des amies d’amies qui témoignent de leur compassion...

Autour de moi, nombreux sont ceux qui m’ont encouragée à écrire tout ce vécu, que je leur raconte par bribes et morceaux. Et je me suis laissée convaincre, pour partager mon expérience, si tant est qu’elle puisse être partagée. "On " dit que chacun vit son cancer et sa chimio a sa manière, avec ses forces et ses faiblesses physiques, morales, son passé…
Mon histoire n’est certainement pas universelle, mais le témoignage d'un vécu.
Si vous devez passer par-là, vos pas n’emboîteront peut-être pas les traces que je laisse. Mais, moi, j’ai presque pu mettre mes petites bottes dans les empreintes laissées par Petra, mon amie d’enfance, malheureusement elle aussi prise par "la bête", un an et demi avant moi.
Je préfère me préparer si je sais que je devrai traverser le pire. Que ce soit en mer, en montagne ou dans cette satanée maladie. Et Petra m’a si bien informée, en me disant ce qui allait m'arriver, en me donnant ses petits conseils de vie pratique, que je ne peux que la remercier de sa franchise et me féliciter d’avoir eu un aussi bon guide. Paradoxalement, cela m’a plusieurs fois rassurée, même si ce qu'elle me racontait n’avait rien d’engageant. Un homme averti en vaut deux, et on n’est jamais assez de fous pour faire face à ce parcours du combattant. Savoir à quelles épreuves s’attendre permet de ne pas paniquer, d’être adéquat. Savoir comment les pionniers à notre aventure s’en sont sorti(e)s permet aussi de voir à quoi ressemble la fin du tunnel : pour beaucoup, une autre vie, plus mûre, plus sereine, heureuse… en pleine forme. Voilà comment je vois mes amies qui s’en sont sorties après deux, trois, cinq ou dix ans.