Mes relations avec "les autres"

Amis, relations amicales. - p.3

Les gestes qui m'ont le plus touché :
Tania me conduit à l’hôpital. C’est encore à elle que j’ai fait appel quand j’ai eu des frayeurs (heureusement inutiles) et que j’ai voulu aller aux urgences pour un contrôle. Si vous avez l’occasion et la force morale d’accompagner vos ami(e)s à l’hôpital pour leur cure de chimio, ils vous en seront reconnaissants à vie. Mais c’est à vous à le proposer.
Je considère avoir eu une chance énorme qu'elle me l'offre spontanément. Elle a du temps. Elle a voulu faire tout le parcours avec moi. Je ne crois pas que j’aurais pensé ou osé (si j’y avais pensé) lui demander. Personne n’oserait demander un service pareil, ou alors au coup par coup. Et c'est aussi tellement plus confortable que ce soit (presque) toujours la même personne… Bien que d'autres copains m'aient également accompagnée à l'un ou l'autre examen. Je crois que ma sénologue connaît maintenant mes amis, hommes et femmes, les plus proches ! Je suis une femme seule, c'est vrai, mais pas si seule que ça.
La technique de Tania est simple : elle me raconte les petits riens de la vie, bavarde, m’aide à prendre de la légèreté par rapport à la cure, par un peu d’humour et une bonne présence, affectueuse et chaude. Ensemble, nous faisons semblant de rien, pendant que le liquide coule.
Les autres personnes, seules, cherchent désespérément à croiser un regard de sollicitude dans les couloirs ou les ascenseurs. Je crois que, comme ceux qui s'y autorisent, je bavarderais avec n’importe qui pour combler cette horrible impression de solitude, de vide, de désespoir que je sens en eux.
Très franchement, heureusement que Tania est là pour moi. Je ne la bénirai jamais assez, ainsi que tous ceux/celles qui m'ont offert un peu de leur présence affectueuse.

Mais il m'est arrivé d'en demander trop, si bien que cela tourna au tragi-comique…
Au dernier jour d'hospitalisation, la sénologue voulait que je sois entourée, de préférence de mes fils, pour recevoir les dernières nouvelles, à savoir la suite des traitements prescrits et le pronostic. Comme l'aîné avait une interro importante à l'Univ, le plus jeune, Julien, celui qui a déjà tant entendu parler de mamans mortes de cancer, était seul à devoir être présent. J'ai donc demandé à un ami, d'âge transitoire entre le mien et celui de mon fils, d'être présent, pour l'aider à surmonter… Et ils n'ont pas surmonté grand'chose. Le médecin avait à peine fermé la bouche, qu'ils se sont enfuis pour aller fumer une cigarette et ne sont revenus que pour m'annoncer qu'ils s'en allaient pour de bon, qu'ils n'avaient pas le temps d'attendre la fin de mes derniers soins, me laissant là avec mes bagages…
Heureusement que Tania était disponible. Elle est venue me chercher…
Cet ami a pris un demi-jour de congé et a fait trois cent kilomètres aller-retour pour venir entendre le verdict médical et soutenir Julien. Il l'a fait avec gentillesse, par amitié. Mais je lui en ai demandé plus qu'il ne pouvait endurer, visiblement. Sinon je suppose qu'il ne se serait pas arrêté en si bon chemin ! Et question de soutenir mon fils, ils se sont écroulés tous les deux… Je lui en serai pourtant éternellement reconnaissante, bien qu'ils m'aient planté au milieu de mes valises. S'il n'était pas venu, Julien ne serait pas venu non plus, et j'aurais été seule pour entendre le verdict médical ! Plusieurs fois, il avait menacé de partir, ce pauvre chéri, tellement il était stressé et anxieux ; la politesse vis-à-vis de cet ami, qui venait spécialement de si loin, a été un argument supplémentaire pour qu'il reste… La vie est parfois si difficile ! Et je ne parle pas que pour moi.

J’ai aussi reçu plusieurs invitations à aller à la mer, chez des amies qui disposaient d’un appartement pour quelques jours. J’adore la mer. Rien ne me fait autant de bien que l’eau. Mais la mer est à une heure de route aller, ce qui me paraît risqué vu mon état. Et je suis toujours très fatiguée le premier jour, à cause du changement d'air. En plus, je me méfie : si je vais à la mer, j’en ferai trop. Entre autre à cause du vent, difficile à estimer, même pour les personnes vaillantes. Et puis, l’ambiance de vacances n’est pas dans mon air du temps : enfants qui piaillent, repas bruyants et "plats à emporter" ne me conviendront pas nécessairement. Je ne veux pas non plus être un poids dans la légèreté des vacances des autres. J’ai apprécié qu'elles aient pensé à moi, mais j’ai décliné. A contre-cœur, bien sûr… A chacun sa place. La mienne est dans mon lit ou à la maison.
De même, certaines visites d’expositions, certaines invitations à des concerts… Parfois les gens veulent vous faire plaisir mais ne réalisent pas à quel point tout cela est devenu impossible du fait de l’épuisement. Encore une fois, parce que personne ne peut imaginer ce qu'est cet épuisement.