Mes relations avec "les autres"

Malade, oui, mais bien vivante… - p.1

J’ai toujours pensé que je vivrais cent vingt ans. Maintenant je me dis que c’était peut-être un peu présomptueux… mais je ne me sens pas du tout proche de la mort. Ces gens qui m’enterrent vivante, en me jouant du violon sur l’air de "et surtout, garde bien le moral", je les renifle de loin, avec leurs soupirs, leurs "allons-bon " fatalistes, leurs paroles de circonstance. Même leur façon de s’asseoir, de regarder leurs mains plutôt que de vous regarder en face, de sembler pressés de s’en aller (mais moi, je ne suis pas pressée de m'en aller !), d’être venus pour une dernière fois, de ne pas savoir comment vous saluer en partant. Ceux-là, ils peuvent s’abstenir de visite : ils sont toxiques. Ces gens ne font pas confiance à votre force de Vie, aux espérances vitales du cancéreux. Ils vous contamineraient de leur manque de confiance, les misérables, s’ils le pouvaient. J’ai envie de hurler par-dessus les toits pour que d’aucun m’entende : laissez nous respirer et Vivre jusqu’à notre dernier souffle, bon sang !
Car, merci monsieur de la Palisse, tant que je ne suis pas morte, je suis vivante ; et tant que je suis vivante, j'ai droit à l'espoir et au respect dus aux vivants. Le respect dû aux morts, ce sera pour plus tard !
Au Diable, les fossoyeurs de vivants !
Ceux qui se rassurent en mettant leur tête dans le sable, vous racontent les déboires des uns et des autres, ou se plaignent de leurs propres petits bobos insignifiants pour éviter de se trouver confrontés à votre "triste " réalité… vous pouvez aussi leur dire bye-bye ! Ils puisent dans votre temps d'énergie.

L'expression "personne toxique", je la tiens d'une infirmière à qui je racontais comme je me sentais mal après certaines visites. Leur poison tue. Avec le cancer, j'ai déjà assez à combattre.
Ces gens se conduisent comme s'ils cherchaient à culpabiliser les malades d'essayer de vivre encore et, qui plus est, le mieux possible. Ils paraissent angoissés par cette présence de "la Mort" dans leur entourage. Vous savez, ce personnage avec une faux ? Si ça tombe, ce sont les mêmes qui se sentent aussi agressés quand un marginal, un étranger, un "drôle" les approche…
Ils voudraient sans doute vivre avec des petits clônes d'eux-mêmes sur une île déserte ? Car je suppose qu'ils ne pourraient pas vivre seuls, non plus.