Mes relations avec "les autres"

"C'est pour ton bien…" - p.1

J’ai lu, parce que je m’y intéressais préalablement, un livre concernant les soins palliatifs (je connais tant de personnes atteintes du cancer). Un des paragraphes de ce bouquin raconte qu’au début où ces services existaient, certains soignants bien-pensants voulaient, au nom du "pour son bien ", recoller les familles désunies en faisant venir les proches des mourants avec lesquels ils étaient en dispute et qu’ils ne désiraient plus voir, pour qu’ils se réconcilient et puissent "mourir en paix ". Ils ont dû se rendre à l’évidence que cela ne marche pas et qu’au nom du "pour leur bien " ils avaient déstabilisé des personnes qui méritaient que leur fin se passe dans le respect de leur volonté et qu'au lieu de les aider à mourir en paix, ils avaient réussi à faire resurgir des haines et des différends qui les minaient.
Heureusement, je ne suis pas aux soins palliatifs, et ce n’est pas parce que j’ai eu un cancer que j’ai un pied dans la tombe. Pourtant, de la même manière, bon nombre de personnes se sont souciées que mes parents et moi nous nous rapprochions, nous nous pardonnions, et je ne sais plus quoi encore… pour que je sois "en paix avec ce problème ".
Mais ce problème n’a rien d’urgent. Il n’est nullement prioritaire.
La priorité, c’est que je guérisse dans les meilleures conditions qui soient. Et ces conditions sont les miennes, pas celles de la Tante Machin ou de Mme Truc, qui se sont mis en tête de mettre leurs priorités avant les miennes, leur souci des conventions ou leur histoire personnelle avant ma guérison. De toute façon, ne rêvons pas : ce qui ne peut pas se faire alors que tout va bien, ne risque pas de se faire quand tout va mal. L’énergie n’y est pas. Si j’avais eu envie de demander un médiateur pour arranger une relation qui me tenait à cœur, cela eut été différent. Mais, au contraire, si je demande qu’une ou plusieurs personnes ne soient pas informées, vu les circonstances, que ma demande soit respectée. Car je dois avoir de bonnes raisons, si, paradoxalement, je me sens mieux sans mes parents alors qu’une pareille tuile me tombe sur la tête. Les problèmes de conscience de Mme Machin par rapport à ma vie, j'aurais préféré pouvoir m'en passer : son insistance à régler mes affaires de famille m'a fait toucher du doigt qu’elle se souciait plus que je meure prochainement que de ma vie, et cela me mettait hors de moi. Je l’ai déjà dit et je le dirai encore : mes sentiments de vie et de mort sont déjà assez difficiles à gérer dans ma tête, sans en remettre une louche. Les personnes qui me font porter leur angoisse de mort, et toute la culpabilité qui l'accompagne, sont éreintantes. Persona non grata.