Mes relations avec "les autres"

Famille et proches. - p.1


Pour ma part, vous le savez déjà, je vis en femme célibataire, avec mes enfants, puisque je suis divorcée (je n’ai pour ainsi dire plus de relations avec leur père), et que je n’ai, actuellement, pas d’"amant ".
En ce qui concerne leur père, les enfants se sont précipités vers lui, d’autant qu’il est médecin. Ils espéraient du réconfort. Moi, j'aurais aimé qu'il les héberge à l'occasion pour me faciliter la vie… Mais quand ils lui ont dit que "maman a le cancer ", il semblerait qu'il se soit contenté d'un "ah ! bon" qui ne nous a guère avancés ! Au contraire.
Et quelques semaines plus tard, ils apprirent de sa bouche que "si j’ai le cancer, c’est parce que je gère mal mon stress ". Inutile de dire qu'ils ne se sentent ni aidés, ni aimés, ni même reconnus dans leur inquiétude et leur tristesse quand ils reçoivent pareils commentaires. Je me suis insurgée contre cet essai de culpabilisation à notre égard, moi de gérer mal mon stress, eux de m'en procurer, en leur signifiant que rien de tel n'était prouvé.
Croyant se montrer aimable, sans doute, il m'a aussi dit qu' "il a beaucoup de respect pour ma maladie ". J'ai effectivement le sentiment qu'il en manque totalement pour nous.
Toutes ces réflexions pour dire que le cancer n'est pas une potion magique qui guérit les relations ! Les "mal accompagné(e)s" ne doivent pas espérer que la maladie arrangera les choses. Et dans cette optique, je me suis plusieurs fois félicitée de ne pas avoir de "Jules ". Pour toutes les raisons suivantes : je ne dois pas me préoccuper de la peine ou de l’angoisse que ma maladie peut lui occasionner59, ni les mouvements d’humeur y relatifs, qu’il soit trop attentionné ou désagréable. Je ne dois pas non plus me soucier de l’impact de cette cicatrice, en lieu et place de mon sein… Bref, je ne dois me soucier que de moi-même (et de l'impact sur mes fils). En contrepartie, je dois, bien sûr, gérer toute cette misère toute seule, mais cela me paraît, dans ma vie, avec mes antécédants, bien plus facile à vivre seule qu’accompagnée. Cela paraîtra bizarre à certains, triste à d’autres, évident à d’autres encore. Quoiqu’il en soit, on fait son lit comme on se couche. Et mon lit est ainsi fait… J'ai une nature sauvage et j'avais besoin d'être suffisamment seule. Et certainement pas entourée de mes parents ou d'un Jules affolé.
Vers la sixième chimio, j'ai subitement changé d'avis. Peut-être parce que nous arrivions "au bout". Pour mes fils, aussi, c'était la fin du tunnel et nous avons eu des moments de tension assez forte à cette époque. Ils étaient trop pressés d'en finir alors que j'avais encore vingt et un jours, et le reste, d'effets secondaires à traverser, sans compter l'angoisse que suscitait déjà l'entrée dans l'inconnue suivante : la radiothérapie. A ce moment, j'ai compris qu'il manquait un "tampon", rôle du bon partenaire, tel un arbitre, un juge de paix, qui compose avec les intérêts contradictoires, ménage, temporise… En effet, il était normal que mes fils soient heureux d'en finir et me bousculent un peu pour que je manifeste ma "bonne santé", mais il était tout aussi juste que je fasse, pas à pas, le chemin ardu qu'il me restait à faire, sans être bousculée.
J'ai raconté mes rêves d'amour et de sensualité. Au fur et à mesure de mes cures, j'ai eu de plus en plus envie de partager ma vie –je ne dis pas mes souffrances ou ma solitude- mais mes joies et ma sensualité. Je ne sais d'où me vient cette pulsion. Peut-être simplement du printemps qui arrive, à moins que ce ne soit cette bonne vieille Pulsion de Vie freudienne ?