Mes relations avec "les autres"

Famille et proches. - p.3

Pour me faire réfléchir à mon intransigeance par rapport à eux, plusieurs personnes m’ont demandé comment je réagirais si mes enfants me cachaient pareille vérité, ou comment je réagirais si j’étais tenue à l’écart comme l’ont été mes parents. Je dois dire que, pour ma part, et depuis toujours, mes enfants ont droit à leur jardin secret. Si cette horrible maladie leur arrivait et qu’ils m'en parlaient, je serais horriblement triste -plus que tout, je crois- et j’essaierais de réagir au mieux pour être adéquate et proche de leurs attentes. Mais s'ils ne me préviennent pas, je pense que ce serait bon pour tout le monde également, parce que ce serait leur choix. Dans des maladies comme celles-là, cancer, sida ou autres saloperies, chacun doit juger pour lui-même comment gèrer son problème et avec qui. Je crois que je ferais confiance à leur choix de survie. C’est tout ce qui m’importerait : qu'ils misent tout sur leur survie.

Les appuis de la famille furent assez discrets, vous l'aurez compris, et j'y ai sans doute ma part de responsabilité, puisque je préfére la distance.

J'ai aussi un parrain, et son épouse. Avec eux, c'est différent. Ils sont drôles, ne font pas de façons, sont très accueillants. S'il leur arrive éventuellement de gaffer, ce qui arrive facilement vu tout ce que je traverse, ils ne s'appesantissent pas ! Rien que pour cela, ils sont déjà pardonnés !
En apprenant mon hospitalisation imminente, ils m’ont offert ce pyjama rigolo, que je porte maintenant presque en continu ! Ils m’ont aussi offert des savons parfumés (adieu les odeurs corporelles chimiques) et me font régulièrement du yoghourt… Tout ce qui est en leur pouvoir, ils le font, avec une gentillesse légère et chaleureuse.
A chaque coup de téléphone, ils répètent "tu viens quand tu veux". Et je suis heureuse de pouvoir débarquer chez eux le premier jour où je vais mieux (le soir du quatrième jour) : ils me servent de test d’énergie. Je sais que je peux annuler, rentrer et sortir, demander qu’ils me ramènent, rester coucher là. Et après quatre jours d'isolement, de lit et de plafond de chambre, je suis assez contente d'entendre rire et de manger en agréable compagnie, à la bonne franquette, un peu "comme si de rien n'était".
Il choisit les meilleurs morceaux pour moi. Et si je n’ai de goût pour rien, ils n’insistent pas ; elle s'en fait le champion. Elle surveille aussi la profondeur de mes cernes pour me dire de me mettre à l’aise si ça ne va pas, que je peux m'en aller si cela devient "trop"...


Pour pouvoir bien me reposer comme il convient, je n’ai pas installé le téléphone dans ma chambre, ni installé mon lit au salon. Mon repos est réellement sacré. Ma sœur a fait savoir à la ronde qu’il ne fallait pas m’appeler, que je donnerais moi-même des nouvelles. Je ne lui avais rien demandé, et, au début, je fus surprise de cette initiative. Mais elle avait entièrement raison. Je tiens à sauvegarder mon énergie pour préserver mon avenir. Je serai tellement plus disponible lorsque je serai pleinement guérie ! En attendant, j'essaie d’utiliser le téléphone de façon à ce qu'il ne me pompe pas : j’appelle moi-même quand cela me convient les personnes que j’ai envie d’entendre, sans me laisser déborder ou croire que je dois rester disponible. Mon répondeur fait le tri pour moi. Je l'écoute quand j'ai la force de me lever. Quelques fois, je donne des nouvelles circulantes (les jours juste après la chimio, par exemple) c’est-à-dire que je téléphone à une ou deux personnes qui donnent les informations aux suivants. Je donnais plus régulièrement de mes nouvelles aux plus âgés, pour les rassurer, mais je gardais le contact avec un maximum de personnes, pour le plaisir de bavarder un peu et de rire, le plus possible.