Fatigue

Premier jour. - p.2

Première semaine. Elle est déjà finie. Plus que quatre.
Je vous parle des expériences négatives d'abord, pour laisser les positives comme dessert. Des détails… bien que, les détails, c'est aussi la vie… mais c'est parfois tellement important.
Je dois passer par deux machines. Une, gérée par l'équipe de jeunes marrantes. Tandis que dans l'autre, plus banale, où les têtes changent plus souvent, deux infirmières, et surtout une d'entre elles continuait sa conversation sur Disneyland où elle comptait passer quelques jours avec ses petits enfants, tout en préparant ma machine et m'installant, sans se soucier le moins du monde de ma personne, ne me laissant pas placer la question que je voulais poser concernant ma thérapie. Elles sont reparties, surtout l'une, sans m'avoir adressé un regard, sans avoir arrêté de jacasser sur ses projets de week-end. Donc, ma question… elle attendra demain. Encore heureux qu'elle puisse attendre.
Je ne demande pas de tapis rouge, mais un peu d'attention, de disponibilité et d'intérêt sur ce qui se passe. Elles ont beaucoup de temps pour bavarder puisque, toutes les deux minutes, elles ont deux minutes (le temps où je suis irradiée) pour "bavarder". Mais ce serait tellement mieux si elles pouvaient être attentives à ce qu'elles font, et pour qui elles le font, durant les quelques courts instants où elles sont en contact avec leur radioke !
Quoi d'autre ? Le tableau où il est écrit "arrêt cardiaque 3333 / incendie 2222". A la fois rassurant, puisque personne ne peut louper l'information, mais, malgré tout, inquiétant à la fois. Si j'étais cardiaque, je me sentirais interpelée… Déjà sans l'être, je me pose des questions sur ce qui peut m'arriver, seule avec ces machines irradiantes, sans présence humaine à côté de moi. Quand l'infirmière revient en riant que "je ne peux pas danser quand je suis sous la machine", je suis un peu rassurée. Elle a vu que mes pieds battaient la cadence avec la musique qu'elles ont la bonne idée de diffuser. Je me sens déjà moins seule. Elles me surveillent grâce à un système que je n'ai pas vu, mais elles me voient de la tête aux pieds et elles surveillent vraiment ! Et elle m'autorise à bouger, mais seulement les orteils ! Ouf !

Du positif ? Il y en a plein. Que je peux laisser danser mes orteils, déjà… mais aussi que cette charmante personne que j'avais croisée plusieurs fois à la chimio, celle qui venait avec un paquet de biscuits qu'elle distribuait dans la salle d'attente, question de pouvoir engager la conversation et de se sentir moins seule, qui a un bébé de quelques mois qu'elle ne peut donc plus allaiter… eh bien ! J'en suis folle de joie pour elle, elle a fini son traitement depuis hier ! Elle m'a dit : "ce soir, champagne ! Même pour le bébé !" Et j'ai encore pensé à elle et au champagne, le soir. Je suis si contente pour elle… et, déjà, contente pour moi, parce que, dans quatre semaines, ce sera mon tour. Et je mets déjà en images mentales avec qui je boirais ce champagne. Tania et mes fils, à coup sûr, et mon parrain, ma tante et ma marraine, et mes kiné et mon amie cardiologue … et tout à coup je réalise que cela fera beaucoup trop de monde pour moi. Alors je recommence. Qui ? Je n'ai qu'une solution, laisser tomber et recommencer dans trois semaines, quand il sera temps d'acheter la/les bouteille(s).
Le second point positif : que je n'ai plus peur des machines. Je sens bien qu'elles travaillent mon corps, cela ne me laisse pas insensible, mais j'arrive à le supporter sans problèmes. L'amabilité des infirmières y est pour beaucoup. La relation de confiance, pouvoir s'abandonner et revenir demain, sans plus de soucis. La moindre occasion de rire, je la saisis. L'autre jour, j'ai laissé mes clés à l'une d'elles, parce que j'avais mal garé ma voiture et que je craignais de gêner d'autres personnes, genre "service voiturier". Occasion de rire !
Autre bon point : je ne suis plus épuisée, mais seulement fatiguée, ce qui fait une énorme différence. Epuisée c'est la chimio, fatiguée la radiothérapie. J'ai presque une vie à moi ! Je fais une sieste de deux heures dans la journée. Si je ne la fais pas, je le paie le lendemain. Je peux sortir le soir, mais pas tous les soirs d'affilée. Je peux aller manger à midi avec des copains/copines… Presque la grande vie, quoi. Parfois, je me dis que je pourrais me passer des aides familiales, que je commence à assister… mais, par moments, je me rends compte que toute seule, ce serait encore bien trop. Aider à m'aider, je peux. M'aider toute seule, je ne peux pas encore. Je ne suis pas sûre d'être trop pressée, non plus, de perdre un des rares avantages que j'aurai eu de ma "maladie".