Chimiothérapie

Dernière chimio… - p.3

J'ai l'impression que le chimiothérapeute a enfin compris que je ne supportais pas mon traitement.
Il a paru découvrir le fait que j'avais des nausées dès mon retour à la maison et encore durant deux à trois jours après la cure malgré leurs précautions (remèdes en perfusion le jour-même complété par du Novaban et de la Dexamethasone dès le lendemain matin) et que je vomissais abominablement toute la première soirée durant six heures minimum.
Est-ce en voyant que j’étais allergique à l’Aspirine et à la Morphine qui me font également vomir illico ou parce que je suis allée à la garde durant ma cinquième chimio, comme le lui apprend son petit écran pendant qu’il m’interroge ?
Concernant la morphine, il a eu une moue. Je ne sais pas ce qu’il a pensé. Mais en voyant cette grimace imperceptible, je n’ai pas pu m’empêcher d’imaginer qu’il pensait à la difficulté de m’aider si, un jour, je me trouvais en soins palliatifs…

Les gestes imperceptibles, les attitudes décalées, tout devient, pour moi, sujet d’inquiétude, d’interprétation. Je préfèrerais que mes interlocuteurs s’expriment clairement plutôt que de laisser transpirer des non-dits qui alimentent mon inconscient de fantasmes, justes ou faux.
Le fait d'avoir été mise en danger de mort par une maladie insipide, indolore et incolore, dont le diagnostic tombe ex abrupto, ouvre la voie à une inquiétude fondamentale que cela ne recommence ou ne s'aggrave sans qu'on s'en aperçoive. Et l'inquiétude "qu'on ne nous dise pas tout", s'y ajoute, nous rendant quelques fois TRES anxieux. Je cherche donc, sans doute comme tous les chimiokes, à savoir par tous les moyens, à savoir plus que ce qui est dit. Cela nourrit l'espoir ou l'angoisse, suivant l'humeur du jour.
Je ne sais pas si vous vous rappelez à quel point j'avais pu lire sur la tête du praticien durant l'échographie du sein… Non, je ne l'ai pas raconté ! Effectivement, le jour du diagnostic, quand j'ai vu sa tête catastrophée, j'ai de suite compris. Pourtant je suis persuadée qu'il pense être resté impassible. Et effectivement, il est resté aussi "imperturbable" que s'il avait eu un serpent-minute sous la main. Il s'est figé et tout son être affichait le contrôle de soi, l'effroi et l'urgence.

Durant ma chimiothérapie, j’ai bénéficié d'une séance de Constellations Familiales. Cadeau d'anniversaire offert par mon amie kinésithérapeute vu les nœuds familiaux dans lesquels je me débats. Depuis lors, en plus de mes remèdes homéopathiques qui influent sur le caractère, et sans doute aussi le fait de traverser pareille épreuve, je découvre de nouvelles façons d’exprimer mes sentiments. Pendant quarante cinq ans (j’en ai quarante sept), je n’ai pas pleuré (ou si peu) et je ne me suis permise aucune colère (la première après trente ans, puis sept ans plus tard, puis deux à intervalle de trois ans…). Je vous prie de croire que ça change23. Sûrement en bien car je découvre, enfin, la douceur réparatrice des pleurs, la libération d’une colère. J’arrive mieux à m’exprimer quand ça ne va pas… et, comble d’étonnement, le fait que je puisse me mettre en colère, et donc m'exprimer avec plus d'à propos, apaise les tensions dans la maison.
Vous-même, vous avez certainement observé que je mets les formes, maintenant, et que je ne jure plus autant !