Chimiothérapie

Mes cheveux - p.1

Perdre mes cheveux fut un chagrin, alors que je pensais que cela me laisserait indifférente.
Je savais que je les perdrais vers le quinzième jour (une semaine environ avant la prochaine cure), puisque les médecins et d’autres personnes, dont Petra, m’avaient prévenue. Mais personne ne m’avait dit que ce serait douloureux et laid.
Ma sénologue m'avait conseillé de les couper au plus court. Mais je ne savais pas "comment " cela allait se produire. Je pensais à la mue des chiens à poils longs.
Détrompez-vous : cela faisait mal au crâne. Une sourde douleur bizarre au cuir chevelu, difficilement qualifiable, mais bien réelle.
Je les avais blond clair, pleins de reflets de lumière, fins et soyeux comme ceux d’un bébé. J’ai perdu des cheveux châtains, rêches, sans la moindre luminosité. Je les avais coupés court en début de semaine, par sagesse, en regardant mon calendrier et parce que je commençais déjà à perdre des touffes de poils du pubis20
En me couchant, ce premier soir où ils commencent à tomber, j'ai dû me relever à cause de la gêne que me procuraient les cheveux perdus sur les draps et sur l’oreiller. Ils n’étaient pas encore si nombreux mais me piquaient et me grattaient le visage lorsque je bougeais. Heureusement, mon fils aîné, Jérome (vingt et un ans), a pu me les couper à ras avec sa tondeuse.
Le lendemain matin, il pensait faire de l’humour en me donnant un sobriquet lié à cette coupe très garçonne, mais je lui ai expliqué que cet humour n’était pas plaisant pour tout le monde. Je suis sûre qu'il le disait gentiment, mais, malgré ce que j'en avais pensé, j'en souffrais. Dans notre maison, nous mettons rarement un frein à l'humour, pourtant !
Certaines personnes m’ont rapporté qu’un foulard de soie sur l’oreiller permettait de contrecarrer ces inconvénients. Pour ma part, Petra m’avait prêté un petit bonnet de star, rose, affreux, comme les Américaines en portent dans les feuilletons pour cacher leurs éternels bigoudis… J’ai fait comme elle et cela m’a parfaitement convenu. Même sans les bigoudis, je suis kitsch à souhait !
Entre les cures, ils repoussent, trois poils et demi sur le bout du crâne, sorte de duvet, puis retombent à chaque période immuno-déficiente, en me laissant avec une sensation de froid sur la tête et dans le cou. Rien à voir avec le duvet d’un poussin. Ces quelques poils courts, quasi-ras, de nouvelle ponte donc, suffisent à me garder la tête au chaud (sorte d’aura de chaleur), si bien que durant les périodes immuno-déficitaires, non seulement je les perds (et ils me rentrent dans le nez pendant que je dors, les salauds), mais, en plus, j’ai froid au crâne. Donc, je me promène dans la maison et au lit avec mon bonnet de star rose.


Comme je déborde de fantaisie et comme je l'avais annoncé à Madame Comme-Avant21, je me suis aussi, quelques fois, collé un tattoo lavable sur le crâne (décalcomanie qui imite un tatouage). Imaginez la tête de mes amies quand leurs filles (sept à dix ans) ont voulu "se coiffer" comme moi (chauve avec un tattoo !)
Pour sortir, je portais des foulards, solution que j'avais envisagée depuis le début et qui ne me posait aucun problème. En effet, jeune fille, je draguais déjà mon futur époux et j’allais au cours en portant des foulards noués sur ma tête. Etonnamment, quand vous portez un foulard, les gens fantasment sur vos cheveux, même s'ils sont inexistants : ceux qui vous connaissent vous voient comme avant, ceux qui ne vous connaissent pas imaginent… Je me souviens qu’à l’Unif, une collègue étudiante était venue me demander pourquoi j’avais coupé mes beaux longs cheveux ! En fait, à la rentrée scolaire, j’avais noué mon foulard en gros chignon et elle en avait conclu que j’avais de longs cheveux !
Avez-vous déjà pensé au nombre de manières élégantes de porter le foulard ? A la russe, à la roumaine, à la tsigane, comme un maharadjah, à la façon des Africaines ou des Antillaises, avec ou sans bijou pour accentuer, avec ou sans morceaux d'étoffe qui bouffe, pend, s'entortille… sorte de tour du monde du port du foulard.