Chimiothérapie

Mes cheveux - p.2

Le pire qui puisse nous arriver, c’est d’avoir l’air triste. Le mieux, d'en paraître fière. Je suis étonnée de voir le nombre de personnes qui sont attirées par mes foulards un peu extravagants. Certains étrangers semblent même me porter un regard de reconnaissance d'oser la différence. Et à l'hôpital, certaines personnes m'ont demandé comment s'y prendre, pendant que nous attendions dans la salle d'attente. Par hasard, je suis justement tombée sur des images d'un défilé de haute couture, dans une revue qui traînait là : tous les mannequins étaient coiffés de foulards assortis à leur jupe, et chaque foulard était noué différemment. Voilà l'esprit dans lequel, moi-même, je me "coiffe", dans le sens antique du mot : porter la coiffe !
Entre chimiokes, nous nous reconnaissons. L'autre jour, je mangeais avec une amie au Pain Quotidien et une personne me montrait discrètement à son amie. Nous nous sommes saluées. Je suppose qu'elle lui montrait mon foulard comme solution pour les jours où elle s'ennuie de sa perruque.
Quand je vois une dame avec un foulard, par principe, je la salue et j'ai toujours reçu un bonjour en retour, contrairement à l'habitude où vous êtes dévisagée comme une demeurée si vous saluez des gens que vous ne connaissez pas.

Mais le plus fou, ce sont mes rêves et fantasmes autour de ma coiffure. Peut-être parce que me "coiffer" occupe actuellement le centre de mes préoccupations ? Ou peut-être à cause du manque ? Ou peut-être aussi parce que "cheveux" signifie "guérison complète" ? Toujours est-il que je ne peux pas passer devant un coiffeur sans vouloir y entrer, que j'achèterais toutes les pinces que je rencontre, que je suis tentée de me teindre… Alors que, auparavant, je n'avais jamais été particulièrement préoccupée par mes cheveux, naturellement beaux mais dont je ne pouvais rien faire tant ils étaient fins. Me voilà donc inconsciemment poussée vers tout ce qui est capillaire.

Et si je vous racontais quelques-uns de mes fantasmes, qui seront peut-être réalité dans quelques temps ? ? ? Me peindre le crâne avec du henné, y faire des dessins tel une couronne de laurier, un visage à l’arrière du crâne, un cœur décoré à la hongroise avec des fleurs qui en jaillissent… et plus tard, teindre mes nouveaux cheveux en rouge vif et les coller à ma tête avec une pointe en haut, comme un personnage de bande dessinée. Je me réjouis de penser que je vais m’amuser avec mes nouveaux cheveux, moi qui devais me contenter de les couper au carré toutes les six semaines.
Pour tout vous "dévoiler ", je n’ai jamais porté la perruque que Petra m’a apportée, même si elle ressemble furieusement à mes cheveux "d’avant ". Je ne me sens pas à l’aise avec une perruque, cela me paraît tellement artificiel que j'ai peur du "qu"en dira-t-on". Par contre, je sais que les foulards me flattent !
La plupart du temps, en présence de proches (famille ou amis) ou avec les kinés, chez le médecin ou la psychologue, je me promène tête nue. J'enlève mon foulard ou mon bonnet, parce que je me sens mieux ainsi. Personne n'en fait une affaire.
Un seul jour, cela a posé problème. J'avais trop chaud et, inconsciemment, j'ai enlevé mon bonnet dans la salle d’attente de l’hôpital. Les autres patients se sont détournés… Par pudeur pour mon erreur ? Parce que ma nudité les gênait ? J’ai remis mon bonnet et ils se sont réinstallés normalement !
Pourtant, j'ai un "beau crâne" qui rappelle celui d'un bonze. En riant, je dis que je suis une jolie bonzesse… Jérome dit même qu'il regrette que les cheveux vont repousser.