Le temps passe… la vie continue

Depuis lors, nous sommes début juin. - p.1

La fin de ma radiothérapie remonte au 22 avril et la fin de ma chimio au 21 février.
Mes cheveux ont repoussé en coupe très garçonne. C'est pas mal, mais pour moi, la curiosité de les voir pousser continue à primer, malgré les encouragements à les laisser courts, puisque ça me va si bien…
Ma cicatrice continue également à chatouiller, tirer, pincer, faire mal. Il paraît que c'est normal et que cela peut durer une année entière.
J'ai malencontreusement été exposée quelques minutes en plein soleil et j'étais trop peu couverte. J'ai une petite tache brune sur la peau, heureusement peu importante, mais je suis contrariée et surtout soucieuse que ce genre de distraction ne se reproduise plus. Je crains de commencer un mélanome !
Et le soleil me fait mal74.
J'ai fait une journée de voile. Heureusement par beau temps et peu de vent, parce que j'ai les muscles en chocolat. Ils ont fondu… Mais j'arrive à me protéger efficacement contre les rayons du soleil avec un pull à col montant doublé d'un foulard de soie noué autour du cou. Le soir, je suis épuisée, mais j'ai l'impression que ce n'est qu'en exagérant parfois un petit peu que je retrouverai mon engouement d'avant.
Je commence aussi à pouvoir participer à des fêtes. A prendre dans le sens le plus littéral. Je "commence" à "pouvoir" "participer" : m'amuser, danser un peu, veiller un peu plus tard, manger de tout, boire une goutte de vin... à côté de ce que font les autres, ce n'est rien. Pour moi, c'est formidable !
L'autre jour, comme je revoyais l'oganisatrice de cette fête à laquelle j'avais participé jusqu'à minuit un peu passé, je lui demandais combien de jours elle avait eu besoin pour récupérer. Etonnée de ma question, elle m'a dit qu'elle avait dormi quelques heures de plus le lendemain. Et je me suis rendue compte que les gens "normaux" récupèrent d'une façon dont je n'ai même plus l'idée75. Pour avoir participé à sa fête quelques heures, je me suis traînée plusieurs jours, morose, mal dans ma peau. Et elle, pour avoir organisé cet événement, pour avoir passé trente six heures d'affilée sans dormir, à courir, coordonner, etc, elle récupère en quelques heures…
J'espère qu'à force de faire des expériences agréables dans le monde des "vivants", dans le monde de la santé, de la normalité, je pourrai oublier, prendre du recul, me réinsérer. Mais tout me paraît encore si récent et je me sens encore si fragile. La moindre exagération, je la paie au prix fort : plusieurs jours pour récupérer un petit excès.
Quand je suis en société, le plus difficile, actuellement, c'est de répondre aux questions du genre : "que faites-vous dans la vie" ou "que fais-tu cet été" ? Quelques personnes devinent et, parmi-elles, certaines en parlent avec délicatesse et gentillesse : "Tu as eu des problèmes de santé ?" Ceux-là ont de l'expérience… Malheureusement.
J'ai dû annuler la location du bungalow en France : je ne me sens même pas capable de boucler une valise ! Mais j'ai fait un saut jusque chez Petra, aux Pays-Bas. J'avais trop mal à mon cafard. Suite à cette petite trachéite et à ces problèmes articulaires, j'avais perdu toute énergie et le moral. J'avais des idées de mort. J'étais vraiment mal. Elle m'a dit de venir passer le week-end parce qu'effectivement elle se rappelait que cette période de remise à flot avait été presque plus dure que les traitements eux-mêmes. Sentiment d'être larguée, sans force, sans repères, comme naufragée, dans la vie qui reprend. Cela m'a fait beaucoup de bien d'être un peu cocoonée dans sa famille, de jardiner un peu avec son mari, de rire avec ses enfants. Et de me débrouiller dans leur langue m'a redonné un peu confiance dans la récupération probable de mes capacités, tout comme le fait d'arriver à conduire pendant deux heures et demie pour couvrir la distance.