La chimiothérapie n’entraine pas de troubles psychologiques !

Rêves, sommeil et régressions - p.3

Le lit incliné et la route de montagne
J’ai déja raconté à quel point, durant ma première période immuno-déficiente, j’avais eu du mal avec mon lit, que je percevais comme s’il était en pente, les pieds surélevés. Avec l'idée fixe : "remonter la pente ", même quand j’étais éveillée. J'aurais voulu échapper à toutes ces images et me reposer calmement, mais impossible !, je glissais inexorablement vers le fond de l'épuisement du chimioke.

La participation à des fêtes
Au moment de la cinquième cure, je rêvais souvent que j'assistais à des fêtes entre amis et que j’étais trop fatiguée pour m’y attarder alors que je m’y amusais beaucoup. Le seul fait d’en rêver me donnait des malaises35, aiguisant mon sentiment de fatigue tout en me laissant endormie.
Je rêvais aussi que je donnais des conseils à des personnes participant à ces fêtes, les encourageant à se rendre à l’hôpital, parce qu'elles se plaignaient d'une fatigue anormale…
Le surlendemain du jour où j’ai fait ce rêve, j’allais moi-même à la garde pour me faire examiner parce que ça n’allait plus du tout.

Le rêve érotique
Le plus beau, mais le plus triste, comme au cinéma ! Ce rêve succédait à la lecture du magnifique roman "Geisha36". J’ai rêvé que comme elle, je finissais par rencontrer l’homme de mes rêves, que nous étions amants et vivions amoureux jusqu’à un âge avancé. Beaucoup de belles scènes et de romantisme, y compris des scènes érotiques passionnées.
En l’écrivant, j'en suis encore toute mélancolique. En effet, au réveil, dans mon lit, j’étais seule, et, de plus, je n’avais pas le corps splendide dont j’avais rêvé mais mon corps actuel, barré d’une cicatrice à la place du sein. J’en ai pleuré toute une demi-journée, sans discontinuer : j'avais trop de chagrin pour mon sein et mon nouveau physique.


Je peux dire que j’ai le sentiment, par le biais des contraintes de la chimio, d’avoir passé ma vie en revue. Pas comme dans "la Piscine37" où tout le film de la vie repasse. Non, calmement, période par période. En commençant par le stade de fœtus, durant les périodes immuno-déficientes. Puis, principalement, ma naissance et ma toute petite enfance avec le plaisir et le déplaisir de manger, le fait de se préoccuper de bien aller à la selle et de faire pipi, la longueur des siestes où je m’ennuyais, les nuages qui font des dessins dans le ciel, le passage du camion poubelle le matin dans la rue chez ma grand-mère, les soupes de carottes et les pommes rapées pour soigner les crises d’aérophagie de mes cinq ans, les enfants qui reviennent de l’école en parlant fort, la lumière qui décroît le soir, l’ennui d’être au lit, le plaisir de la lecture, le mal au ventre récurrent de mon petit frère, les harcèlements dont il fut victime parce que mon père lui rasait la tête, bref, tous les moments difficiles que mon "petit frère" ou moi avons vécu, me vinrent à "revivre ". Ces remémorations correspondaient toujours à des situations ou des états que je traversais dans ma chimio : perte de cheveux, fatigue, siestes, difficultés gastriques et autres… Je crois pouvoir expliquer que, pour me rassurer, quand je me sentais vraiment trop mal, je cherchais à me souvenir si j'avais déjà traversé pareilles épreuves. Cela me permettait de penser que si j'avais survécu précédemment, je survivrais encore à celle-ci. Et j'arrivais, par ce subterfuge, à garder confiance dans mon pouvoir vital…


Le fait de n'avoir que ça à faire, durant des jours entiers où je suis écrasée dans mon lit, le fait de vouloir transmettre mon expérience, le fait d'avoir pris la plume et de me creuser les méninges… finalement, je m'aperçois que je me pose beaucoup de questions sur tout cela. Je cherche le pourquoi du comment… Si je pouvais dégager quelques pistes en racontant mon vécu, j'en serais très heureuse.