Comment t’en es-tu rendue compte ?

A propos du dépistage systématique - p.3

Quelle serait l’origine de mon cancer ?
Tout le monde autour de moi, amies, et amies des amies se sont précipitées chez le médecin pour une mammographie lorsqu’elles ont appris que j’avais un cancer : je suis en pleine forme, dynamique, encore jeune, je ne bois pas, je ne fume pas, je mange équilibré et sain, ni tout bio ni tout "normal", je n'ai ni GSM, ni four à micro-onde… et je vis dans un quartier aéré… Bref, ce fut d’autant plus effrayant pour tout le monde que, comme disait l’une d’elles "je ne le mérite vraiment pas ".
Car effectivement, souvent, on se voile la face en disant "oui mais, elle, qu'est-ce-qu’elle fumait " ou des raisonnements pareils. Moi, non : rien à redire. Celles qui fument, boivent ou mangent mal s'en trouvèrent d'autant plus effrayées !
Mais il est aussi d'autant plus difficile de savoir ou d'imaginer quelle serait l'origine de mon cancer.
Bien sûr, j’en ai bavé les dernières années, mais cela ne m’a pas rendue spécialement malade. Divorce, séparation d’avec les enfants, difficultés psychologiques et scolaires des enfants suite au divorce, difficultés financières, problèmes d’entente avec mes parents… Certains disent que les difficultés font évoluer les cancers qui sommeillent en nous…
Dans mon entourage j'entends dire avec compassion que "c'est une tuile de plus dans ma vie". C'est vrai. Mais ce n'est pas ma façon de percevoir ma vie parce que je sais aussi profiter des jours de bonheur. Et des petits bonheurs, j'en ai beaucoup : mon optimisme naturel me pousse à voir le beau côté, à être facilement contente, à engranger tout ce qui passe. Même dans l'adversité, j'arrive à être positive, le plus souvent.

S'il fallait absolument chercher côté stress pour trouver une explication au cancer, pointons le fait que Jérome ait exprimé le sentiment qu’il allait mourir avant la fin de l’année, peu de temps avant que je ne "concrétise" mon cancer. Il a été attaqué et blessé dans le cadre d'un vol de GSM et nous avons été harcelés et menacés, lui en particulier, pour qu'il retire la plainte qu'il avait introduite. Son agresseur avait pu être identifié et se trouvait incarcéré. La bande de ce jeune délinquant voulait qu'il soit relaxé. Dans leur logique, nous n'avions qu'à retirer notre plainte, et ils mirent toute la pression pour que nous cédions. Je me suis battue à ses côtés, comme une lionne, pour qu'il reçoive le soutien des personnes qui pouvaient l'aider (et ce fut laborieux de trouver cette aide), pour qu'il puisse se défendre légalement, pour qu'il protège sa vie… Notre maison faisait l'objet d'agressions multiples. Moi-même, j'ai été menacée. Et nous n'avons reçu aucune aide -bien au contraire !- de la famille proche (son père, mes parents) ou de la police. Je me souviens que je voulais faire un rempart de ma vigilance autour de mon fils, pour que ce sentiment de mort imminente puisse le quitter.
Dans cette tourmente, je fus licenciée d'un job que j'aimais beaucoup. Suite à quoi je dus m’investir plusieurs fois dans de nouveaux boulots, particulièrement contraignants.
Ces agressions récurrentes, et les attitudes de rejet ou d'incompréhension totale dont nous avons souffert de la part de la famille, ou d'indifférence de la police pour notre sécurité, de même que mon chagrin pour mon licenciement, pourraient être à l'origine de mon cancer. Mais rien n'est moins sûr. De plus, je me vois mal ajouter aux griefs du procès la perte de mon sein gauche ou de mon emploi. Comment prouver ? Sur quelle base ? De toute façon, notre histoire est exceptionnelle. Toutes les personnes qui souffrent du cancer relatent-elles des évènements aussi graves dans les mois qui ont précédé la découverte de la maladie ?

Nous sommes toutes étonnées de ne pas participer à quelque étude épidémiologique concernant les causes qui pourraient être invoquées quand nous sommes diagnostiquées cancéreuses. Et, quand nous en parlons entre nous, chimiokes, radiokes et celles qui s'en sont déjà sorties depuis quelques années, toutes, nous invoquons l'éventualité que ce soit l’eau, ou l’air, ou l’environnement général (Tchernobyl et autres pollutions que les pouvoirs publics nous cacheraient)… puisque aucune explication ou statistique valable n'est accessible jusqu'à ce jour.
En faisant un recensement où les gens raconteraient leur "petite histoire" sur un formulaire adhoc, en concordance avec des études basées sur la géographie ou la climatologie, nous pourrions peut-être savoir pourquoi lui ou elle, cette année et pas à une autre époque de sa vie, dans telle région ou telle période climatologique/géo-politique. Et pourquoi ce cancer-là plutôt qu'un autre.