Fatigue

Comment se sent-on ? - p.1

Cette fatigue vous oppresse, vous fait sourdement mal partout.
Plutôt assise que debout, la tête pèse sur la nuque. J'ai vite un air avachi, affalé, au minimum la tête appuyée sur la main. Au salon, je m'étais organisée pour pouvoir recevoir en position "Récamier ", semi-couchée sur un fauteuil, jambes étendues, tête soutenue ou reposée sur des coussins.
Un jour, je me suis couchée à ce point épuisée que j’ai eu le mal de mer dans mon lit. Des vertiges terribles. L’envie que tout s’arrête.
Un autre jour, j’étais si épuisée, que j’ai sombré dans un grand trou noir, comme à l’accouchement de l’aîné, quand j’ai failli mourir d'hémorragie. Et je m’attendais d'ailleurs à ce qu’arrive ce tunnel de lumière orange, au fond du gouffre noir dans lequel je m’enfonçais de plus en plus. Mais pas de tunnel orange, cette fois-ci… Je n’ai aucun souvenir de la suite. J’ai dû m’endormir.

Quand rien ne va plus, ne dites-vous pas "que vous auriez mieux fait de rester au lit" ? Sauf que moi, j’en ai soupé de mon lit. Je voudrais être libre. Libre de respirer, de bouger, d’aller et venir, libre de ma fatigue. Oui, à ce médecin qui essayait de comprendre ce que vit un cancéreux en chimiothérapie en racontant l’histoire des quarante kilomètres, j'ai envie de répondre que cette fatigue est telle qu'elle vous parasite complètement. Même en se reposant un jour, deux jours, elle ne vous quitte plus. Elle fait partie de votre vie, de votre respiration, de votre rythme cardiaque, de votre appétit, de tout vous, infiniment. Elle est vous, vous êtes elle.
Cette façon d’avoir mal à sa fatigue, je la rapprocherais de l'impression de se sentir moche de partout, bien connu de la plupart, ressenti après avoir vraiment trop exagéré des "bonnes choses", avec la nausée, des sentiments de vertige, un sourd mal à la tête et un sentiment de vide dans le ventre. Sauf que je n’ai jamais eu de cuite, et que je ne peux donc pas parler d'expérience… mais j'imagine que nous tenons là un début de comparaison. En y ajoutant, ici, en plus, un mal-être en continu, avec, alternativement, sans prévenir, le brûlant à l’estomac, les intestins qui coincent ou vous font courir en panique, la bouche pâteuse, la langue sèche, les yeux secs ou qui pleurent tout seuls, l’usine à gaz qui refoule par le haut et par le bas ; les crises de foie, les mains qui picotent, la peau qui tire, les cheveux et la peau du crâne qui démangent et font mal de pousser ou tomber, les sentiments de froid dans la nuque ou sur le crâne nu.
Bref, j'apprends à découvrir mon anatomie sous un tout nouvel angle : celui du dysfonctionnement.
J’essaie donc de me ménager pour éviter d’être trop fatiguée.