Et après la parenthèse ?

Vivre comme avant ! Tu parles d'une blague. Rien n'est plus comme avant. Avant je n'avais pas eu de cancer. Avant il n'y avait pas d'après. Avant il n'y avait pas un agenda échelonné sur cinq ans de visites médicales systématiques69, d'examens comme ce fichu scanner du foie, que je déteste. Rien que d'y penser, je suis dégoûtée de la vie. Avant, je n'étais pas "en sursis", avec option pour la santé.
Je sais bien que je suis "guérie" et que tout a été enlevé, mais de vivre avec toujours ces mots-là aux oreilles… Ma famille aussi : "Oui, mais toi, c'est plus grave". C'est sans doute plus grave d'avoir un cancer que d'avoir quatre vingt neuf ans, j'en conviens. Mais, une fois considérée comme guérie, j'ai tout de même l'avantage par rapport au grand-âge, non ?
Quand je pense que je me bats pour guérir alors que le monde se prépare à la guerre ou une sacrée situation mondiale qui ne serait pas la guerre mais tout comme, avec la misère, la peur, l'angoisse, la haine, je me dis que j'aurais mieux fait de rester dans mon train pour la mort plutôt que de vivre encore tout ça.
Je ne sais pas pourquoi j'aimais la vie, mais j'en étais folle dingue. Le grand amour. Est-ce cela que je devais apprendre ? Qu'elle n'est ni belle, ni douce, ni drôle, ni exaltante… Mon beau-frère la compare à une fosse d'aisance qu'il faudrait traverser à la nage alors que certains s'amusent à faire des vagues. Ma sœur, a pour leitmotiv qu'à chaque jour suffit sa m… Pour moi, la vie était une aventure, tantôt belle, tantôt difficile, comme la météo belge : du vent, de la pluie, des éclaircies, des périodes de beau-temps, quelques tempêtes… Mais je n'avais jamais rien vécu d'insurmontable. Et d'ailleurs, ni mon divorce, ni mon cancer ne furent insurmontables : je suis toujours là.
Mais, maintenant que j'ai dégusté, je suis un peu écoeurée. Chat échaudé craint l'eau froide. En fait, je crois que vivre longtemps dans l'angoisse ou la crainte d'un "pire" ne me conviendra pas. J'avais une nature hyper-optimiste. Que vais-je devenir si elle doit changer ?
Car quand, enfin, tout va, rien ne va plus. Messieurs faites vos jeux.

J'aimerais terminer mon récit sur une réussite, une touche heureuse. Comme dans les contes de fées ou les films hollywoodiens ! Quelque chose d'inimaginable : le grand amour, le Loto. Ou de plus banal mais d'heureux, comme une thalassothérapie.