Et après la parenthèse ?

J'aimerais aussi faire de la recherche en psychologie, mais je ne vois ni dans quel domaine, ni en quel lieu, ni comment je pourrais être financée pour en faire. D'habitude, les jeunes à peine sortis de l'Univ sont embauchés pour ce genre de travail. Pourquoi me choisirait-on ?
Parfois aussi, je me dis que je pourrais travailler dans un service de revalidation pour personnes qui ont des problèmes cognitifs, tels que les amnésiques, les personnes qui sortent d'un coma de longue durée, d'un accident vasculaire cérébral ou qui souffrent d'Alzheimer. Je ne sais pas si cela me plairait et si j'en serais capable. Mais c'est un domaine qui m'intéresserait.
Ma petite tête trotte, trotte. J'ai maintenant une nouvelle idée. Je les note dans ce chapitre au fil du temps quand elles se présentent. Cela me permettra d'utiliser mon papier comme aide-mémoire quand le bon moment sera arrivé. Je voudrais faire les "Good News" à la TV. Avoir un petit temps d'émission, après les actualités quotidiennes, où je pourrais, jour après jour, contrebalancer le trop plein d'infos démoralisantes par de petites nouvelles, locales ou internationales, porteuses d'espoir, de justice, d'évolution ou de solutions. Pour cela, il me faudra m'informer sur la faisabilité, pour moi, de m'insérer dans ce type de domaine. J'en parlerai à une amie qui travaille à la télévision. Et si cela semble réaliste, j'enverrai ma candidature, pourquoi pas ?

J'aimerais tellement terminer ma narration. Mettre un point final. Dire "Et voilà, c'est fini !"
Mais la balle rebondit longtemps. Tous les trois mois, tous les six mois, tous les ans… je n'ai pas fini d'en voir. Pendant cinq ans (et le reste ?). A force, j'en ferais une fixation. Et de toujours entendre parler de visites médicales, de contrôles, j'en arrive à me demander si c'est vraiment bien fini, quand ce sera fini… A force, j'en deviens hypochondriaque : j'ai toujours un sentiment diffus de peur d'une rechute ! Raison, d'ailleurs, pour laquelle je dois me soumettre à un suivi médical rigoureux et régulier. Le piège du cercle vicieux se referme autour de moi.
Et je déprime.
Je regrette maintenant de ne pas avoir à proprement parler d'oncologue. Car si je commençais un cancer ailleurs, je crains que ma sénologue ne soit pas compétente. Le chimiothérapeute et la radiothérapeute ne sont concernés que pour leur spécificité. Qui va se charger du suivi et des dépistages ultérieurs ? Il faudra que je me renseigne.
Paradoxe de la maladie : je voudrais pouvoir me passer de médecins et d'hôpitaux, mais un spécialiste en plus me rassurerait !
J'ai dû poser des questions concrètes, précises, contre mon gré, bien sûr, pour lever le brouillard camoufflant les risques éventuels liés à mon avenir d'ex-cancéreuse du sein : rechutes, récidives ou extension de la maladie. Je sais donc maintenant que je dois prendre garde au cancer de l'utérus, du fait de mon hormonothérapie. Les symptômes sont des saignements comme des rêgles. Normalement, je ne devrais plus voir une goutte de sang de ce côté-là. Si j'en vois, je lâche tout et je cours chez le médecin. Mais lequel ? La sénologue, sans doute, puisqu'elle est gyné en même temps. Et je téléphonerais à mon médecin généraliste homéopathe de surcroît. Moi, quand je m'inquiète, j'aime les doubles sécurités. Ceinture et bretelles…
Celui qui a déjà eu un cancer du sein, doit surveiller l'autre, aussi. Parce qu'il arrive qu'ils soient jaloux et que ce qui fut consenti pour l'un, il faille aussi le sacrifier à l'autre. Mais le cancer du sein, ça, je sais à quoi m'attendre. Même que je serai encore plus rapide la prochaine fois. Je dis ça, mais j'espère que je pourrai être aussi perspicace si cela devait m'arriver encore. Comme j'espère que le mal se manifesterait clairement, pour ne pas le laisser grandir en moi incognito. Mais j'espère surtout qu'il n'y aura pas de "prochaine fois".
Je dois aussi me méfier des métastases. Mais maintenant, avec tout ce que j'ai traversé comme thérapies lourdes, je suis sûre qu'elles sont toutes enrayées, couchées sur le flanc, mortes comme des mouches après Fly-Tox, à supposer que certaines cellules aient essaimé ou que quelque métastase se soit bien dissimulée lors des examens… Je sais que toutes mes certitudes sont peut-être des mensonges. J'essaie seulement de m'encourager.