Rythm' and blues

Puis vient la première journée d’hospitalisation, ce fameux 14 septembre au bout de la ligne verte, au pas de charge avec Raphaëlle, dans les longs couloirs de l’hôpital, d’un examen à l’autre.

Puis, le calme plat de la chambre, interrompu par quelque visite à mon lit ou à celui de ma voisine, en attendant demain, l'opération. En essayant de penser à autre chose ou à rien. Quelle vie ! ! !

Vivre dans un hôpital, ne fût-ce qu’une semaine, tient du calvaire et de l’absurde, tant sur le plan de la misère éprouvée pour soi-même que des horreurs rencontrées dans les couloirs…
Je parlerai ici des horaires, absurdes dans la mesure où, verbalement, il vous est enjoint de vous reposer, mais où rien ne s’y prête : nuits bruyantes9 souvent plus agitées que les jours par manque de personnel, petits-déjeuner alors que vous dormez encore ou enfin, soins donnés en triple vitesse toujours par manque de personnel…
L’erreur de vocabulaire porte bien sur le mot "reposer". Il ne convient pas de penser que "se reposer" signifie se relaxer, prendre du repos, dormir, mais de "se reposer sur" la prise en charge hospitalière ; ce qui suppose d’être "patient ", justement.
Il ne sera pas possible de "prendre du vrai repos", du simple fait de l’économie hospitalière, imposée par le ministère et notre économie du XXe - XXIe siècle. Le personnel est sur les genoux, remplacé pour cause de maladie par des intérimaires que personne n’a le temps d’informer. Comment un personnel, lui-même sous stress et en besoin de repos, pourrait-il générer un cadre de "vrai repos " pour les patients ?
Mais je ne m’étendrai pas sur ce sujet, car, je dois dire qu’avec le peu de moyens dont disposent les infirmières et le personnel soignant, ils font des miracles10. Et je parle sans exagération. Plus d’une fois, je me suis dit qu’il était étonnant qu’il n’y ait pas plus de "casse " (morts, accidents) dans les hopitaux, vu les conditions de travail, en particulier la nuit !
Dans notre service, la première nuit, UNE intérimaire tenait quatorze entrantes, cancéreuses opérées du jour, sans avoir été prévenue de la situation ni de la place des choses. Il est apparu rapidement qu'elle ne savait même pas que nous souffrions du cancer !
Comme nous étions toutes impotentes, avec consigne médicale de bouger le moins possible pour éviter les complications, demandant toutes la panne au même moment, demandant toutes les médicaments pour dormir au même moment, nous réveillant toutes dans la nuit au même moment pour les mêmes impératifs, je ne vous dis pas son stress et le stress généré autour d’elle chez les patientes.
Et je raconterais bien, aussi, cette femme qui a accouché dans notre service, sans prévenir (elle avait été hospitalisée dans le service de sénologie par manque de place dans le service qui lui aurait convenu), au milieu de la nuit -vlan, comme ça- hurlant pour obliger l’infirmière à accourir11, d’effroi aussi de sentir le bébé entre ses jambes… et l’infirmière qui devait à la fois l’assister dans sa chambre et appeler l’aide d’un gynécologue depuis son bureau… quand deux bancardiers sont arrivés en lieu et place du gyné ! J’avais mal et besoin de renouveler mon anti-douleur… mais j’ai attendu que toutes les courreries et les cris se soient calmés dans les couloirs avant d’oser appeler, tant la gravité du moment passait à travers les murs…